Comment c’est chez eux: Le Canada

Comment c'est chez eux : Le Canada
Article : Comment c’est chez eux : Le Canada

Le système éducatif français est aujourd’hui en crise. Crise de recrutement, crise de reconnaissance, l’école française est à bout de souffle et peine à se réformer et à évoluer. Selon les résultats du premier baromètre du bien-être publié par le ministère du travail le 19 octobre 2022, un enseignant sur deux déclare “un sentiment d’épuisement au travail élevé”. 

Les résultats de la France au test PISA de 2018 (publié en 2019) restent stable par rapport au test de 2015 en situant la France entre la 15e et la 20e place, légèrement au-dessus de la moyenne des pays de l’OCDE. Mais deux informations importantes sont à souligner. D’abord le système scolaire français renforce les inégalités sociales, la France est un des pays où le lien entre le statut socio-économique et les performances aux tests est le plus fort. D’autre part la France obtient aussi de mauvais résultats dans la catégorie “bien-être à l’école” puisqu’un élève français sur deux déclarent travailler dans un mauvais climat scolaire et 2 élèves sur 5 déclarent se sentir soutenus par leur professeurs. Un système où l’on tolère que la moitié de ses principaux acteurs (profs comme élèves) se sentent mal est un système malade. Dire que le thermomètre est cassé et regarder ailleurs en mettant quelques pansements sur une jambe de bois ne règleront pas les problèmes profonds et structurels. Pourtant, une meilleure école est possible. Nous avons donc décidé de lancer la série d’articles “comment c’est chez eux” afin de décentrer un peu le débat et essayer de voir ce qui fonctionne chez d’autres mais qui ne fonctionnent pas chez nous et inversement. Pour commencer, j’ai décidé de m’attarder sur un pays qui concilient performance, égalité sociale et bien-être à l’école dans ses résultats au test PISA: Le Canada.

Le Canada est un pays nord-américain de 38 millions d’habitants. Il s’organise en dix provinces et trois territoires. Il n’existe pas de système éducatif fédéral ni de ministère de l’éducation. Les compétences en matière de politique éducative sont laissées à la responsabilité exclusive des provinces. Les pratiques peuvent donc être très variables d’une province à l’autre, chacune décide des programmes, de l’organisation du temps etc…

91,8% des élèves canadiens sont scolarisés dans le système public (contre 87% en France) et le Canada investit 3,2% de son PIB dans le système éducatif (contre 3,3% en France).

Le système scolaire et la durée de la scolarité

Malgré les différences entre les provinces, une organisation de la scolarité commune émerge. La scolarité est obligatoire à partir de 5 ou 6 ans et jusqu’à entre 16 et 18 ans en fonction des provinces. Elle s’organise comme telle:

  • L’école primaire qui commence à 5ans avec une année de pré-scolaire (4ans dans les zones défavorisées) puis de la 1ère (6ans) à la 6ème (12ans) au Québec ou 8ème (14 ans).
  • L’enseignement secondaire de la 7ème ou 9ème (12/14ans) à la 12ème (17/18ans). A la fin de cet enseignement, un diplôme d’études secondaires est délivré aux élèves sans qu’ils aient à passer d’examen et qui donne accès à l’université dans la plupart des provinces. Dans la province de Québec les élèves devront fréquenter un CEGEP (sorte de prépa) pendant deux ans avant d’intégrer une université.
  • L’enseignement supérieur qui dure 3 ou 4 ans pour obtenir un baccalauréat puis une maitrise et un doctorat.

Quelle formation est-elle nécessaire au Canada pour devenir professeur de primaire ?

Une fois de plus il existe des disparités entre les provinces. Cependant pour devenir enseignant au Canada, il faut être titulaire d’un baccalauréat de 4ans en enseignement avec une spécialité soit enseignement primaire soit adaptation scolaire pour devenir enseignant spécialisé.

Il s’agit d’un cursus autour de l’éducation et spécialisé dans l’enseignement pour devenir prof dans les écoles primaires. Les cours portent par exemple sur le développement cognitif de l’enfant, la didactique des matières, les méthodes d’enseignement etc… Pour valider le baccalauréat, il faut avoir la moyenne dans chaque discipline. Il n’y a pas de compensation possible entre les matières comme en France.

Pendant le cursus, il y a des stages chaque année pendant les quatre ans en observation d’abord puis en responsabilité mais sous le tutorat d’un enseignant volontaire (contre une compensation en journée de congé qui sont payés en juillet si non utilisées → environ 300 dollars brut par jour). Il n’y a pas d’habilitation nécessaire pour devenir tuteur, il suffit d’avoir 5 ans d’ancienneté. C’est donc beaucoup plus simple qu’en France où il faut passer un examen pour devenir PEMF (professeur des écoles maitre formateur). Il est aussi possible de faire des suppléances dans les écoles à partir de la deuxième année d’études.

A la fin des quatre années de formation, les enseignants doivent postuler auprès de commissions scolaires qui sont des groupements d’établissements scolaires. Le baccalauréat en enseignement est obligatoire pour postuler mais il n’y a pas de concours. L’offre étant supérieure à la demande, tous les étudiants ayant un baccalauréat en enseignement trouvent un poste. Les enseignants peuvent décider de changer de commission en postulant ailleurs, ils perdent leur ancienneté au sein de la commission pour l’attribution des postes mais conserve le même échelon et donc leur salaire. Il existe des équivalences entre provinces mais elle ne sont pas systématiques.

En France, il faut être titulaire de n’importe quel master et réussir le concours de recrutement des professeurs des écoles pour devenir professeur des écoles. Pour être enseignant contractuel, il faut avoir bac+3 dans n’importe quel domaine.

Organisation du temps de travail

L’organisation du temps scolaire est très variable d’une province à l’autre mais aussi d’un établissement à l’autre. L’année scolaire se déroule de fin août avec une semaine de préparation de la rentrée jusqu’à fin juin. Il est difficile de présenter une journée type canadienne vu la variété des organisations existantes, voici donc deux exemples d’organisation possible:

  • Emmanuelle est enseignante en Alberta, dans son école, les élèves en classes préélémentaires (jusqu’à 6ans) fréquentent l’école uniquement le matin. De la 1ère à la 6ème, les élèves ont classe de 8h30 à 14h45 avec une pause le midi de 30 minutes et deux récréations tous les jours du lundi au vendredi. Il y a quatre périodes d’enseignement de 45 minutes le matin et deux périodes l’après-midi. L’emploi du temps est défini au niveau de l’établissement par l’équipe de direction qui doit s’assurer de la répartition par niveau / matière ainsi que des heures avec les spécialistes (enseignants spécialisés qui viennent enseigner des matières en particulier comme l’anglais ou la gym). L’enseignant n’a pas ce travail d’emploi du temps à faire. Les enseignants ont des journées pédagogiques banalisées (environ une par mois) où sont organisées les réunions et les formations. L’année commence début septembre et termine fin juin, il y a une semaine de congé en novembre, deux semaines de vacances à Noël, une semaine au Printemps. A cela s’ajoute les journées de congé “maladie” personnelle (environ 5) qu’elle peut poser à sa discrétion et qui seront remboursées à la fin de l’année si non-utilisées.
  • Alexia est enseignante au Québec, elle travaille 32 heures à l’école. Elle commence à 8H11 (oui oui) et finit à 15h30 du lundi au vendredi avec une pause déjeuner de 11h49 à 13h11. Chaque jour elle a une période libre de 45 minutes à une heure car ses élèves sont avec les spécialistes (enseignants pour le sport, les enseignements artistiques et l’anglais). L’année commence fin août et finit fin juin avec 2 semaines de vacances à Noël, 1 semaine à la Relâche (premier semaine de mars). Chaque mois, elle a une ou deux journées banalisées sans élève où elle va faire des formations ou des réunions et organiser son travail personnel, remplir les bulletins etc. Elle a aussi une banque de huit jours de congés supplémentaires qu’elle peut poser quand elle veut et dont une partie est remboursée à la fin de l’année si elle ne les a pas utilisés.

Effectifs

Les quotas d’élèves par classe varient en général entre 22 et 30 en fonction des provinces. Il peut y avoir des éducateurs à temps plein dans la classe afin de venir en aide aux enfants à besoins spécifiques. Ces éducateurs ont une formation de deux ans avant d’intégrer les classes. Il peut aussi y avoir des éducateurs et des ortho-pédagogues présents au quotidien au sein de l’école pour venir en soutien des enseignants. Sont pris en compte dans les effectifs le nombre d’élèves à besoin spécifiques qui comptent pour 2, 3 ou 4 en fonction du niveau d’accompagnement dont ils ont besoin et ainsi faire baisser l’effectif général de la classe.

Organisation des apprentissages

Les enseignants canadiens ont un programme et des guides d’organisation du travail sur l’année par province. Ces documents donnent une répartition des apprentissages par mois ou période et l’enseignant doit quant à lui présenter son organisation mensuelle. Il existe très souvent au Canada un système de “pairage” où les enseignants débutants sont associés à des enseignants avec plus d’ancienneté qui enseignent dans le même niveau. Ils transmettent ainsi aux débutants leur planification de l’année et les ressources qu’ils utilisent afin de ne pas commencer à zéro. Les méthodes et les manuels utilisés sont choisis au niveau de l’école avec souvent des méthodes clés en main et toutes les ressources et le matériel nécessaires sont fournis aux enseignants. La province peut aussi fournir des ressources. Alexia, ancienne enseignante à Paris qui aujourd’hui enseigne au Québec explique ainsi que le temps qu’elle consacre à la préparation de la classe est moindre au Canada grâce à des meilleures ressources fournies par son établissement et un travail en équipe plus important.

Salaire

Au Québec le salaire d’entrée dans le métier est de 44 000 dollars annuels bruts et évolue jusqu’à 95 000 dollars annuels bruts. En Alberta, le salaire de départ est de 56 000 dollars annuels bruts jusqu’à 110 000 dollars annuels bruts.

Les salaires varient beaucoup d’une province à l’autre, ce n’est pas nécessairement en rapport avec le niveau de vie, c’est un choix politique de la province. C’est aussi lié à l’offre et la demande, ainsi la province d’Ucan qui est la province canadienne la plus isolée et donc attire moins les enseignants est celle qui paye le mieux.

Bien-être au travail

Les professeurs n’ont pas une mauvaise image dans la société canadienne mais ils sont parfois confrontés aux mêmes stéréotypes que les enseignants français sur le temps de travail ou les vacances. Emmanuelle le dit ainsi:

“ça vient me chercher parfois à quel point on met du travail pour leurs enfants, on fait tout pour eux et les parents ça leur dit rien”.

Elle ressent aussi une pression sur les résultats de ses élèves. Dans sa province les élèves passent des tests de rendement standardisés chaque année, les résultats de ces tests sont présentés aux enseignants afin qu’ils améliorent leur pratique si nécessaire.

Alexia quant à elle souligne que la plus grosse différence avec la France est l’accent mis sur le bien-être à l’école des enfants et des enseignants, créer une atmosphère positive afin que tout le monde se sente bien à l’école est primordial. Elle dit ainsi:

“En France on entend souvent des enseignants dire je ne suis pas là pour que mes élèves m’aiment alors qu’ici c’est très important de créer un lien affectif avec ses élèves qu’ils aient confiance en nous et se sentent bien à l’école”.

L’école est un endroit positif où les élèves et les enseignants doivent s’épanouir.

Le travail en équipe au sein des écoles est organisé et encouragé ce qui prévient le sentiment de solitude que le enseignants français peuvent parfois ressentir notamment à leurs débuts. Il n’y a pas non plus de problèmes organisationnels liés au remplacement des enseignants absents. Les enseignants sont toujours remplacés.

Alexia se sent mieux au Canada car malgré un temps de présence en classe hebdomadaire supérieur et moins de vacances, son temps de préparation en dehors de la classe est moindre et elle se sent beaucoup mieux au quotidien dans sa classe et dans son école.

Ainsi si l’on retrouve des similitudes dans l’organisation de l’école entre le Canada et la France, on observe un temps de formation bien plus long pour les enseignants canadiens, un environnement de travail plus positif et un meilleur salaire. Cependant ils ont un temps de travail hebdomadaire plus élevé et moins de vacances.

Un très grand merci à Alexia (vous pouvez la retrouver sur son blog) et Emmanuelle pour leur précieux témoignage.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *